Le nom même de la loi suisse sur la chasse – la Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (LChP) – exprime la contradiction apparente, et les différents intérêts que cet acte législatif doit ménager. D’une part, cette loi vise à conserver les espèces sauvages en Suisse, et, d’autre part, à permettre l’exploitation de ces mêmes espèces par la chasse, et à minimiser les « dégâts », les désagréments, que causent ces animaux à l’activité humaine.
Historiquement, la plupart des lois de protection de l’environnement, et de la faune ou de la flore, sont issues d’une volonté de l’être humain d’exploiter la nature. C’est tout particulièrement le cas de la Loi fédérale sur les forêts, adoptée pour la première fois en 1876 pour préserver les forêts de l’exploitation massive par l’homme. La LChP s’inscrit dans la même logique : il faut préserver les espèces sauvages pour pouvoir continuer à les utiliser.
Cette notion « d’utilisation » de la nature sous-tend toute l’approche occidentale à la protection de la nature. Petit à petit, l’on voit par ailleurs émerger une volonté de préserver certaines espèces, particulièrement en danger ou vulnérables, comme un but en soi, pour éviter qu’elles ne disparaissent définitivement et n’appartiennent qu’à l’Histoire. Ainsi, certains traités internationaux, dont la fameuse « Convention de Berne » de 1979 obligent les Etats à accorder une protection spéciale à certaines espèces, à l’instar du loup (strictement protégé).
Parallèlement, les conflits croissants entre les êtres humains et les animaux sauvages – augmentés par la destruction de l’habitat de ces derniers et des besoins toujours grandissants des hommes – pousse le législateur à permettre la « régulation » des espèces sauvages, même les espèces protégées (!), par différents moyens. Par conséquent, à certaines conditions, le loup, bien que strictement protégé, peut être abattu, notamment s’il cause des dommages importants, moyennant une autorisation du canton, validée au préalable par la Confédération.
Aucune loi n’est parfaite : elle est le fruit de compromis, d’une forme d’équilibre entre tous les intérêts en présence – en l’occurrence, d’une part, les intérêts des agriculteurs, qui doivent faire face aux grands prédateurs, des pêcheurs (certains oiseaux et les castors protégés entrent parfois en « compétition » avec ceux-ci), des chasseurs (« sportifs » la plupart du temps), et, d’autre part, l’intérêt général de protection des espèces et de la biodiversité.
La LChP a fait l’objet d’une révision, récemment, à laquelle plusieurs organisations de protection de la nature se sont opposées en lançant un référendum, qui a abouti – nous voterons sur cette révision le 27 septembre prochain. Les milieux de protection de la nature reprochent à cette nouvelle loi d’affaiblir la protection des espèces – en d’autres termes, l’équilibre jusqu’ici trouvé serait mis à mal, selon ces organisations. Au contraire, les chasseurs, agriculteurs et les cantons de montagne estiment que cette nouvelle loi faciliterait leur travail.
Ce qui est certain, c’est que le sujet de la protection des espèces passionne tous les milieux. A son centre, la question est presque philosophique : l’homme a-t-il le droit d’exploiter et de réguler la nature, ou a-t-il la responsabilité de la préserver ? Pour plus d’infos sur la loi sur la chasse, voir notre article précédent : http://terravocats.ch/loi-sur-la-chasse-et-protection-des-especes-le-perpetuel-paradoxe/